Il l’observe, de ses yeux plissés et moqueur. Il l’observe en se demandant qui elle était réellement, d’où elle venait, ce qu’elle avait vécu. Il penche la tête sur le côté et se perd dans ses pensées. Elle semble soudain plus tendu, plus crispé, comme si l’effet de ce compliment la dérangeait. Ça te dérangeant tant que ça de me plaire Kali ? Avait-il envie de lui demander, mais Ran Gi ne demande pas, Ran Gi observe. Il Observe et il apprend. La façon dont ses lèvres rosées se pince, la façon dont son regard le fuit. Cette façon qu’elle a de faire rouler ses doigts pour cacher son stress et cette maigre rougeur sur ses joues qui trahi surement les battements d’un cœur un peu trop rapide. Il pose son regard dans le sien, soudain si fier, soudain si fort, si provoquant. Soudan si elle, une jeune femme qui assume, une femme qui affronte. Il soutient son regard, dont les pupilles crépitent sous un feu nouveau qui plait dangereusement à Ran Gi. Parce qu’il aime les femmes de caractères, les femmes qui ont peur mais trouve le courage d’avancer. Il n’est pas pour l’adrénaline pure qui vous pousse à commettre le pire, sous prétexte de vouloir vivre et mettre sa vie en danger. Ran Gi est beaucoup trop réfléchi. Il est beaucoup trop intelligent, de cette intelligence qui le prive de son humanité émotionnel. Il est mesuré, avisé, il est de ceux qui pense à deux fois avant d’agir, mais qui pense vite. Il pense toujours faire le bon choix et ne laisse rien au hasard. Parce que le hasard est une vraie pute qui vous prend au cou et qui vous clou au sol sans que vous ne puissiez rien faire. Que ce soit dans les jeux ou dans la vie de tous les jours Ran Gi compte chacun de ses mouvements, pour toujours avoir un temps d’avance.
C’est d’ailleurs pour ça que se faire attraper a été pour lui une punition plus dure et plus cuisante que pour n’importe qui d’autre. Il a encore le gout amer de la défaite en bouche. Ça l’a marqué au fer rouge et ces 5 années en prison l’ont rendu plus prudent et plus parano aussi sûrement. S’il n’a survécut en prison ce n’est que par son intelligence et quelques séances de musculation qui lui ont permis de sauver les apparences. Il a sculpté son corps au rythme de ces jours cassant qui l’ont enchainé loin de la vie, loin de sa liberté. Une part de lui semble saisir le dégoût qu’éprouve Kali en lui mentionnant son ancien métier. La prostitution est un art auquel Ran Gi ne pourra jamais s’adonner. Ni en tant que client et encore moins en tant qu’homme qui offre du bon temps. Il est bien trop dans son monde pour se donner le droit de porter un jugement sur ce qu’a pu faire Kali. Il serre juste les dents déçu. Déçu de ne pas voir ce corps aussi pur qu’il ne le voyait jusqu’à maintenant. Comme si l’éclat du diamant que représentait Kali était fissuré. Ça n’enlève en rien la beauté de la jeune femme, ni même la valeur qu’il pouvait lui accorder, mais Ran Gi est ce genre d’homme à aimer prendre soin de ses affaires. Loin de lui l’idée de posséder Kali de cette manière si dégradante. Mais Ran Gi reste déçu, déçu pour elle et non d’elle. C’est bien là toute la différence. Il ne contrôle pas la vie des gens, encore moins leur passé. Pourtant une part de lui aurait aimé qu’elle n’est pas à subit ça. Comme une femme qu’il veut protéger, chevalier au syndrome du super héros, Ran Gi aimerait pouvoir offrir une vie décente à ces femmes qu’il a un jour pu aimer. Sa mère et Ye Ra. Il a fui la première et laisse la seconde lui pourrir le cœur à ne pas vouloir l’enchainer.
Peut-être qu’il n’est finalement qu’un pantin protecteur aux allures robustes qui n’a de faiblesse que les gens qui l’aiment.
Ran Gi ne sait jamais senti pathétique, il contrôle ses émotions. Les enferme à double tour pour n’être qu’un homme qui n’agit que lorsqu’il faut agir. L’intelligence bride ses émotions, il s’en protège comme s’il en avait peur. Il mouille la commissure de ses lèvres et se redresse finalement après avoir laissé le silence s’installer après sa dernière confession. Il porte son verre à ses lèvres et passe une main dans ses cheveux pour tenter de plaquer en arrière cette mèche maladroite qui ne cesse de lui tomber devant les yeux. « Tu penses que je vais rejoindre ton groupe parce t’auras accepté de coucher avec moi ? » Sa voix monocorde accompagne ses mots. Sa question pousse la jeune fille à réfléchir. Le protéger de cette vérité qu’il n’est pas vraiment capable d’assumer. Pourtant il fait l’effort, sans trop savoir pourquoi, de lui offrir un bout de ses pensées. « Si j’ai envie de coucher avec toi c’est parce que tu me plais. » C’est presque un reproche, une évidence presque trop clair pour que la jeune fille puisse oser se méprendre à nouveau. Il se penche un instant et sort un flingue de sous le canapé, il lui appartient et là mit, pensant qu’ainsi personne n’irait vraiment chercher à cet endroit. Il le pose devant avec un petit sourire provocateur et sûr de lui, vraiment sûr de lui. « Tu connais la roulette russe ? » Dit-il d’un ton un brin provoquant, la tester, à croire qu’il va finir par aimer ça. Il ne veut tester que ces nerfs et savoir si elle lui fait confiance. Parce que sans confiance ils n’iront pas loin. Mais quelle confiance peut-elle avoir de cet homme qui ne cesse de refuser son offre. Une confiance tacite, de celle que Ran Gi ressent malgré lui chaque fois qu’elle est là.